Quelles différences entre la rupture conventionnelle individuelle et la rupture conventionnelle collective ?

Deux types de rupture conventionnelle coexistent : la rupture conventionnelle individuelle, créée par la loi n°2008-596 du 25 juin 2008, et la rupture conventionnelle collective, instaurée par l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017. Ces ruptures présentent des similitudes : toutes deux ont lieu à l’amiable, ne concernent que des salariés en CDI, ne doivent pas être assimilées à un licenciement ou à une démission et donnent lieu au versement d’indemnités de rupture conventionnelle. Toutefois, leurs enjeux, objectifs et cadres légaux les distinguent. Cet article se propose de détailler ces différences pour permettre aux entreprises de mieux appréhender ces mécanismes.

La rupture conventionnelle individuelle : flexibilité, rapidité et négociation entre les parties

La rupture conventionnelle individuelle permet à l’employeur et au salarié de convenir en commun et rapidement de la fin du contrat de travail.

Cette forme de rupture introduit une grande flexibilité dans les termes du départ qui permet notamment à l’employeur et au salarié de s’entendre sur le montant des indemnités de rupture conventionnelle versées à ce dernier. Ce montant, qui ne peut être inférieur à celui de l’indemnité légale de licenciement, varie selon l’ancienneté, la rémunération ou encore le statut du salarié dans l’entreprise.

La procédure de rupture conventionnelle individuelle est spécifique et s’organise en plusieurs étapes encadrées par la loi. Elle comprend la tenue d’un ou plusieurs entretiens obligatoires afin que le salarié et l’employeur puissent définir les conditions de la rupture et la rédaction d’une convention de rupture par l’employeur prévoyant nécessairement la date de rupture du contrat, ainsi que le montant de l’indemnité de rupture conventionnelle. Une fois la convention de rupture signée par les deux parties, un délai de rétractation de 15 jours calendaires s’ouvre au lendemain de la date de signature. En l’absence de rétractation dans le délai imparti, la convention doit être validée par la Direction départementale en charge de l’emploi, du travail et des solidarités (DDETS, ex-Direccte). La convention est homologuée en cas d’acceptation de la demande ou d’une absence de réponse de la DDETS dans un délai de 15 jours.

Ce processus garantit une séparation équitable et sécurisée juridiquement pour les deux parties.

La rupture conventionnelle collective : une démarche simplifiée pour la restructuration des effectifs

La rupture conventionnelle collective est la version négociée à l’échelle d’une entreprise de la rupture conventionnelle individuelle négociée directement entre l’employeur et le salarié. Elle se distingue par son aspect collectif et son cadre juridique spécifique.

Elle ne peut avoir lieu que dans le cadre d’un accord collectif d’entreprise, comme l’indique l’article L1237-19 du Code du travail : “un accord collectif peut déterminer le contenu d’une rupture conventionnelle collective excluant tout licenciement pour atteindre les objectifs qui lui sont assignés en termes de suppression d’emplois”. L’objectif pour l’employeur est donc de rompre des contrats de travail sur la base du volontariat sans recourir à un licenciement pour motif économique.

L’initiative de la rupture conventionnelle collective revient à l’employeur, mais l’existence d’un accord commun entre l’employeur et chaque salarié est indispensable pour qu’elle soit mise en place.

L’accord collectif doit obligatoirement mentionner certains éléments, tels que le nombre maximal de départs envisagés, les conditions que doit remplir le salarié pour en bénéficier, les méthodes de calcul des indemnités de rupture conventionnelle versées au salarié ou encore les mesures d’accompagnement et reclassement externe des salariés sur des emplois équivalents. Le salarié propose sa candidature à la rupture conventionnelle collective via un écrit selon les conditions fixées par l’accord. L’employeur remet un exemplaire de la convention au salarié qui doit la signer. Comme dans le cas d’une rupture conventionnelle individuelle, l’employeur et le salarié disposent d’un droit de rétractation de 15 jours calendaires.

La convention de rupture conventionnelle collective est ensuite soumise pour validation à la Direction départementale de l’emploi, du travail, des solidarités et de la protection des populations (DDETSPP) via le portail PSE-RCC. Lorsque le contenu de l’accord est validé par la DDETSPP, l’employeur doit transmettre une copie de la demande de validation au CSE et aux salariés signataires de l’accord.

L’indemnité de rupture conventionnelle dans ce cadre est définie par l’accord collectif et ne peut pas être inférieure à l’indemnité légale due en cas de licenciement. Toutefois, les employeurs entrant dans le champ d’application de l’Accord national interprofessionnel du 11 janvier 2008 sur la modernisation du marché du travail sont tenus de verser l’indemnité conventionnelle lorsque cette dernière est plus élevée.

Rappelons que depuis le 1ᵉʳ septembre 2023, le régime social de l’indemnité de rupture conventionnelle a été modifié afin d’éviter de rendre cette dernière plus avantageuse que la mise à la retraite.

Ainsi, la loi du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 a créé une contribution unique de 30 % à la charge de l’employeur, rendant la rupture conventionnelle plus coûteuse pour ce dernier. Toutefois, le régime de l’indemnité de rupture conventionnelle collective n’est pas concerné par ces changements et reste aligné sur le régime des indemnités perçues dans le cadre d’un Plan de sauvegarde de l’Emploi.

Implications pratiques pour les entreprises : choix entre individualité et collectivité — impact sur les indemnités de rupture conventionnelle

Le choix entre une rupture conventionnelle individuelle ou collective dépend de nombreux facteurs liés à la stratégie de l’entreprise, aux relations de travail et à la situation des salariés. La rupture individuelle est souvent privilégiée pour des situations isolées, car elle permet une négociation directe entre le salarié et l’employeur afin notamment d’adapter les indemnités de rupture conventionnelle à la situation spécifique du salarié.

À l’inverse, la rupture conventionnelle collective donne la possibilité à l’employeur de supprimer des emplois et de réduire les effectifs de manière souple en évitant le cadre contraignant du PSE. L’employeur n’a pas à invoquer un motif économique et peut engager immédiatement de nouveaux salariés.

Les régimes fiscaux et sociaux de ces deux ruptures diffèrent et sont un facteur à considérer avant la prise de décision :

Indemnités de rupture conventionnelle collective Indemnités de rupture conventionnelle individuelle
Impôt sur le revenu Exclusion totale d’impôt sur le revenu Lorsque l’indemnité est versée à un salarié ne pouvant pas bénéficier d’une pension de retraite :

Exonération dans la limite la plus élevée entre :

  • 2 fois la rémunération annuelle brute perçue au cours de l’année civile précédant la rupture ;
  • 50 % de l’indemnité.

Ces deux limites ne pouvant dépasser 6 PASS.

  • Ou l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement.

Lorsque l’indemnité est versée à un salarié pouvant bénéficier d’une pension de retraite :

Assujettissement dès le premier euro.

Régimes des cotisations sociales hors CSG/CRDS Détermination de la part exonérée de cotisations en retenant comme limite le plus petit des 2 montants suivants :

1.     La part qui n’est pas assujettie à l’impôt sur le revenu ;

2.     2 fois le PASS (87 984€ en 2023).

Dans la limite de 2 PASS, exonération des sommes à hauteur du montant le plus élevé entre :

  • 2 fois la rémunération annuelle brute perçue au cours de l’année civile précédant la rupture ;
  • 50 % de l’indemnité ;
  • le montant de l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement.

Assujettissement au 1ᵉʳ euro pour les indemnités supérieures à 10 PASS.

Cotisations CSG/CRDS Détermination de la partie exclusive de cotisations CSG/CRDS en retenant la plus petite de 2 limites d’exclusion :

  • La part exclue de cotisations ;
  • La part correspondant au montant dans la limite du montant prévu par la convention collective de branche, l’accord professionnel ou interprofessionnel ou à défaut par la loi, ou en l’absence de montant légal ou conventionnel, à hauteur de l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement.

Les cotisations CSG/CRDS sont calculées sans abattement.

Exonération dans la limite du plus petit des montants suivants :

  • Montant de l’indemnité légale ou conventionnelle.
  • Montant exclu de l’assiette des cotisations sociales qui est au maximum de 2 PASS.

Assujettissement au 1ᵉʳ euro pour les indemnités supérieures à 10 PASS.

Forfait social/contribution patronale Exonération totale Assujettissement de la fraction de l’indemnité qui est exonérée de cotisations sociales à une contribution patronale spécifique de 30 %.

Il est essentiel de se faire accompagner par des professionnels pour assurer la conformité des procédures et des indemnités de rupture conventionnelle versées.

Choisir entre une rupture conventionnelle individuelle ou collective nécessite de saisir les besoins stratégiques de l’entreprise et les attentes des salariés. Il est fondamental de maîtriser les règles légales de chaque option pour garantir une transition harmonieuse pour toutes les parties. Pour une orientation adaptée à vos enjeux spécifiques et un calcul précis des indemnités de rupture conventionnelle, notre équipe se tient à votre disposition. Explorez nos services sur Actuarem et engageons ensemble la démarche la plus pertinente pour votre entreprise.