Rupture conventionnelle et assurance-chômage : changements clés et impacts sur les salariés

La rupture conventionnelle du contrat de travail, introduite en droit français par la loi du 25 juin 2008, permet à l’employeur et au salarié de convenir à l’amiable des conditions de la rupture du contrat qui les lie. Derrière cette création, des objectifs clairs : fluidifier le marché du travail, encourager la mobilité des salariés et limiter les contentieux prudhommaux grâce à des règles procédurales protectrices.

Au cœur de l’actualité, la rupture conventionnelle a fait récemment l’objet d’une révision s’agissant de son régime social, et pourrait être impactée par des modifications envisagées par le Gouvernement dans le cadre la réforme de l’assurance chômage. En effet, un décret mettant en œuvre la nouvelle réforme devait être publié le 1er juillet 2024 pour une application au 1er décembre. Toutefois, le gouvernement a dû suspendre cette réforme en raison des résultats des élections législatives anticipées. Un décret du 30 juin 2024 prolonge donc les règles actuelles d’indemnisation jusqu’au 31 juillet 2024.

Nous faisons le point dans cet article sur ces actualités récentes.

  1. Comment ont évolué les règles de la rupture conventionnelle ?

Largement plébiscité, le recours à la rupture conventionnelle a fortement augmenté ces dernières années : 503 500 CDI ont été rompus via ce dispositif en 2022, contre 395 100 en 2017 (source Dares).

Cette tendance s’explique par les nombreux avantages que présente la rupture conventionnelle pour les deux parties. En effet, à la différence du licenciement, elle n’exige aucun motif et contribue à une ambiance sociale apaisée au sein de l’entreprise. Pour le salarié insatisfait dans son poste ou souhaitant se reconvertir, elle constitue une alternative à la démission lui permettant de bénéficier d’une indemnité de rupture mais également des indemnités chômage dans l’attente de retrouver un emploi.

Toutefois, des interrogations sur l’efficacité de la rupture conventionnelle pour l’intérêt général ont émergé. D’abord, l’augmentation légère du nombre de chômeurs au 3e trimestre 2023 avec 64 000 personnes supplémentaires par rapport au trimestre précédent (source Insee) a fait craindre au Gouvernement des effets négatifs de cette rupture sur l’emploi.

Une autre crainte des pouvoirs publics concernait les salariés proches de l’âge légal de départ à la retraite, pour lesquels la rupture conventionnelle pouvait être utilisée comme un outil de sortie de marché du travail des séniors. En effet, depuis plusieurs années, les ruptures conventionnelles sont en hausse régulière chez les seniors : +3% en 2019, +4,1% en 2021 (source Dares).

En réaction, la loi du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023, portant réforme des retraites, a modifié le régime fiscal et social de l’indemnité de rupture conventionnelle. Ainsi, au 1er septembre 2023, les contributions payées par l’employeur sur les indemnités versées à l’occasion d’une rupture conventionnelle et d’une mise à la retraite sont unifiées : une contribution unique fixée à 30% de l’indemnité versée s’applique (voir tableau ci-dessous).

Pour rappel, le régime fiscal de l’indemnité n’a pas été impacté par cette réforme :

  • Lorsque le salarié peut bénéficier d’une pension de retraite, l’indemnité est imposable dès le 1er euro
  • Lorsqu’il ne peut pas bénéficier d’une pension de retraite, le montant qui correspond à l’indemnité légale ou conventionnelle est exonéré en totalité, et s’il est supérieur, l’exonération est limitée au maximum des deux montants :
    • 2 fois le montant de la rémunération annuelle brute perçue par le salarié au cours de l’année précédant la rupture du contrat de travail
    • La moitié du montant de l’indemnité

À noter que le régime social et fiscal des indemnités de ruptures conventionnelles collectives n’a pas été modifié. Elles sont exonérées de cotisations et contributions sociales dans la limite de 2 fois le PASS et d’impôts sur le revenu en totalité.

Malgré cette augmentation, le nombre de ruptures conventionnelles signées semble se maintenir :  au 4e trimestre 2023, 129 100 ruptures conventionnelles ont été conclues (−0,4 % seulement par rapport au trimestre précédent).

Le gouvernement envisage désormais de réformer l’assurance chômage : en mai 2024, le Premier ministre a confirmé sa volonté d’acter un durcissement des règles d’indemnisation. Parmi les pistes envisagées, on trouve notamment la réduction de la période d’indemnisation de 18 mois à 15 mois ou encore l’allongement des délais d’indemnisation.

  1. Assurance chômage et rupture conventionnelle : quels effets ?

La rupture conventionnelle permet au salarié de bénéficier de l’allocation d’aide au retour à l’emploi (ARE), sous réserve d’en remplir les conditions :

  • Avoir été involontairement privé d’emploi, comme en cas de licenciement ou de rupture conventionnelle
  • Être physiquement apte à l’exercice d’un emploi
  • Résider sur le territoire français

Il est ensuite nécessaire de s’inscrire, dans les 12 mois suivant la fin du contrat de travail, comme demandeur d’emploi à France Travail ou de réaliser une formation inscrite dans un projet personnalisé d’accès à l’emploi.

Pour avoir droit à l’ARE, il est nécessaire d’avoir travaillé au moins 6 mois dans les 24 derniers mois à la date de fin du contrat de travail.

Une fois les conditions remplies, quel est le délai pour bénéficier de l’ARE ? Le versement de l’ARE est possible après le cumul suivant :

  • Le délai de carence de 7 jours
  • Le différé d’indemnisation « congés payés », qui s’applique lorsque le salarié a perçu une indemnité compensatrice de congés payés au moment de la rupture de son contrat de travail. Ce différé ne peut excéder 30 jours
  • Le différé spécifique d’indemnisation, qui s’applique lorsque le salarié a perçu des indemnités de rupture en plus des indemnités légales. C’est par exemple le cas lorsque le montant de l’indemnité de rupture conventionnelle dépasse celui de prévu par la loi

Bon à savoir : dans le cadre d’une rupture conventionnelle, le différé spécifique d’indemnisation ne doit pas dépasser 150 jours, soit 5 mois. Par conséquent, lorsqu’un salarié se retrouve au chômage, il peut devoir attendre jusqu’à 187 jours avant de percevoir l’ARE (7 + 30 + 150 jours).

Toutefois, le gouvernement réfléchit à allonger ces délais après un licenciement ou une rupture conventionnelle dans le cadre des discussions autour de la réforme de l’assurance-chômage. Ce faisant, les demandeurs d’emploi pourraient devoir attendre plus longtemps avant de bénéficier de l’ARE. Un projet de décret transmis aux partenaires sociaux prévoit le prolongement des règles actuelles jusqu’au 30 septembre.

Nous vous tiendrons informé des évolutions dans un prochain article.