Rupture conventionnelle : nouvelles précisions jurisprudentielles concernant le vice du consentement et la procédure d’homologation de la rupture

Depuis 2008, la rupture conventionnelle permet à l’employeur et au salarié de convenir à l’amiable des conditions de la rupture du contrat de travail à durée indéterminée qui les lie. Le recours à ce dispositif s’est fortement accru ces dernières années : 77 429 ruptures conventionnelles ont été signées au 1er trimestre de 2016 contre 132 468 au 1er trimestre de 2024 (Dares).

La rupture conventionnelle est encadrée par certaines garanties : elle nécessite le consentement libre et éclairé des parties et doit se matérialiser par une convention de rupture contrôlée et homologuée par l’administration.

La Cour de cassation a récemment apporté des précisions importantes sur ces deux aspects dans deux arrêts du 19 juin 2024. Nous revenons dans cet article sur les apports de ces décisions en matière de rupture conventionnelle et sur les points de vigilance qu’elles soulignent pour l’employeur et le salarié.

 

1. Les conséquences d’un consentement vicié : nullité et requalification de la rupture conventionnelle

L’employeur et le salarié peuvent conclure une rupture conventionnelle à condition que le consentement de chacun soit libre et éclairé, c’est-à-dire qu’il soit donné librement et en connaissance de cause (art. L. 1237-11 du Code du travail). En effet, la rupture conventionnelle ne peut être imposée par l’une ou l’autre des parties.
À défaut, la rupture conventionnelle peut annulée, notamment lorsque le consentement d’une des parties est vicié.

Les vices du consentement qui peuvent être invoqués sont l’erreur, le dol et la violence « lorsqu’ils sont de telle nature que, sans eux, l’une des parties n’aurait pas contracté. » (art. 1130 et suiv. du Code civil).
La Cour de cassation avait déjà reconnu le vice du consentement du salarié qui avait accepté une rupture conventionnelle dans un contexte de harcèlement moral au travail. Dans ce cas, l’annulation de la rupture conventionnelle produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse (Cass. Soc., 30 janvier 2013, n°11-22.332). Cette situation peut engendrer des conséquences financières importantes pour l’employeur qui doit être vigilant au contexte de conclusion de la rupture conventionnelle avec son salarié.

En effet, l’employeur qui licencie un salarié de manière abusive devra lui verser une indemnité spécifique dont le montant, fixé par le juge, varie selon la taille de l’entreprise et l’ancienneté du salarié. Cette indemnité se cumule avec l’indemnité légale de licenciement.
Attention, l’employeur peut également s’exposer à des sanctions pénales, par exemple en cas de licenciement discriminatoire.

Si le cas du vice du consentement du salarié a été tranché, quelles seraient les conséquences d’un vice du consentement de l’employeur ? C’est à cette question que la Cour de cassation a apporté pour la première fois une réponse par sa décision du 19 juin 2024.

En l’espèce, l’employeur estimait que son consentement avait été vicié par un dol du salarié qui avait obtenu le consentement de l’employeur par des manœuvres mensongères et en dissimulant ses réelles intentions. L’employeur demandait la nullité de la rupture conventionnelle, considérant que l’élément dissimulé par son salarié avait un caractère déterminant dans son consentement.
La Cour pose un principe clair : « lorsque le contrat de travail est rompu en exécution d’une convention de rupture ensuite annulée en raison d’un vice du consentement de l’employeur, la rupture produit les effets d’une démission » (Cass soc, 19.06.24, n°23-10.817, FS-B).

La requalification de la rupture conventionnelle en démission entraînera pour le salarié de lourdes conséquences financières. Il devra en effet rembourser l’indemnité de rupture conventionnelle versée par son employeur, mais également lui verser une indemnité compensatrice correspondant au préavis de démission non effectué.

Pour calculer le montant de l’indemnité rupture conventionnelle, nous vous recommandons l’outil 4i d’Actuarem ! Il permet d’établir un calcul précis et conforme à la législation en vigueur à la date du calcul, et en cas de compléments aux montants minimum, de connaître l’impact fiscal et social.
Le tableau ci-dessous résume les risques attenants à un consentement vicié :

 

2. La procédure d’homologation : irrecevabilité et régularisation de la demande de rupture conventionnelle

Pour être valable, la rupture conventionnelle doit respecter une procédure spécifique.
Cette procédure débute par la tenue d’un ou plusieurs entretiens préalables permettant à l’employeur et au salarié de définir la date de rupture du contrat ainsi que le montant de l’indemnité de rupture conventionnelle.

Attention, cette indemnité ne peut pas être inférieure à un certain montant correspondant au minimum légal. Pour fiabiliser votre calcul, n’hésitez pas à utiliser le simulateur 4i d’Actuarem.
Une convention de rupture est ensuite rédigée et un délai de rétractation de 15 jours calendaires doit être respecté. En l’absence de rétractation dans ce délai, la procédure d’homologation s’ouvre et comprend plusieurs démarches :

Si la Direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (Dreets) valide la rupture conventionnelle ou si elle ne répond pas dans le délai d’instruction de 15 jours ouvrables, le contrat est rompu à la date définie dans la convention, au plus tôt le lendemain du jour de l’homologation.

Bon à savoir : la majorité des ruptures conventionnelles sont homologuées par l’administration. En 2021, sur 474 485 demandes reçues, 453 528 ont été homologuées, soit 95,6% d’entre elles (source Dares).

Si la rupture conventionnelle est refusée, le contrat de travail se poursuit normalement. Le refus d’homologation, qui doit être motivé, peut notamment être justifié par une indemnité de rupture conventionnelle non conforme aux prescriptions légales ou conventionnelles.
C’est pourquoi il est important de se munir d’un outil de calcul fiable et à jour des dernières évolutions législatives et conventionnelles comme l’outil 4i d’Actuarem !

Une nouvelle demande de rupture conventionnelle pourra être soumise et devra, en principe, respecter toutes les étapes de la procédure, et faire repartir le délai à 0.
Toutefois, des exceptions existent, et il est parfois possible de régulariser la demande sans avoir besoin de recommencer entièrement la procédure. C’est ce qu’a indiqué la Cour de cassation dans une décision du 19 juin 2024 (Cass soc, 19.06.24, n° 22-23.143).

En l’espèce, l’administration avait déclaré irrecevable la demande d’homologation de la convention de rupture car le montant des salaires mentionnés n’était pas correct. L’employeur s’était contenté d’apporter des explications à l’administration à ce sujet.
La Cour de cassation a approuvé ce raisonnement, estimant que les observations de l’employeur ne nécessitaient pas de recommencer toute la procédure et que les formalités de la rupture conventionnelle avaient été respectées.

Il faut donc être vigilant dans les données transmises à l’administration afin d’éviter un refus de la rupture conventionnelle. Pour cela, Actuarem vous accompagne dans vos démarches. Pour une démonstration de nos outils, n’hésitez pas à nous contacter !